Par circulaire du 8 février 2023, la première ministre a défini une nouvelle doctrine d’occupation des immeubles tertiaires de l’Etat. Celle-ci est présentée comme devant répondre à un triple objectif : efficacité des services publics, maitrise des dépenses de fonctionnement et réduction de l’empreinte environnementale.
Il nous a paru important d’y revenir, tant cette nouvelle politique est lourde de conséquences pour les conditions de travail quotidiennes des agents des DDETS, des DREETS et des administrations centrales. Les changements risquent en effet d’être tangibles dès l’arrivée à échéance des baux et/ou des conventions d’occupation des locaux occupés par les agents. FO TEFP entend prendre toute sa part dans la défense de bonnes conditions de travail et des collectifs de travail, plus que jamais nécessaires dans le contexte actuel d’exercice de nos missions.
La circulaire de la première ministre présente les ratios antérieurs d’occupation des locaux et le « dyptique bureaux individuels/ salle de réunions » comme inadaptés tant à la recherche d’optimisation des surfaces qu’à « la réalité des usages et des besoins des occupants ». Les modalités d’atteinte de l’objectif de réduction des surfaces utilisées par l’Etat, « dès 2023 », sont déclinées dans 2 annexes jointes à la circulaire. Les points principaux sont les suivants :
Les représentants du personnel FO à la FSSCT des Directions Départementales Interministérielles ont demandé que soit porté à l’ordre du jour de la réunion du 27 juin 2023 une présentation de l’incidence, au niveau des DDI – dont font partie les DDETS et les DREETS – de la circulaire de la première ministre du 8 février 2023.
Le représentant de l’administration a lors de la réunion voulu se montrer rassurant en évoquant un délai d’adaptation et des marges de manœuvre en cas de difficultés quant à l’organisation cible. L’administration devra avant de mettre en place une nouvelle organisation d’occupation des locaux passer en revue toutes les activités exercées par les agents. Le représentant de l’administration a précisé que les conditions actuelles d’occupation des bureaux seront changées à échéance des renouvellements des baux et/ou des conventions d’occupation.
A la demande répétée des représentants du personnel, l’administration s’est engagée à présenter en réunions de la FSSCT des DDI quelques grands projets immobiliers destinés à accueillir des agents des DDI. Cette présentation a commencé lors de la réunion du 16 novembre 2023, avec les cités administratives de Lille, Toulon et Rouen.
Les représentants du personnel ont pu constater qu’avec des surfaces moyennes de 8 m² par agent à Lille et de 5 à 6 m² à Toulon, ces projets ne respectent pas les normes établies par l’Afnor (NF X 35-102) définissant les caractéristiques des locaux de travail à usage de bureaux. Celles-ci recommandent en effet les espaces minimum de travail suivants :
– 10 m² par personne, que le bureau soit individuel ou collectif ;
– 15 m² par personne dans un espace collectif bruyant (si les tâches nécessitent des communications téléphoniques, par exemple).
En outre, les représentants du personnel n’ont à ce stade aucune assurance que la recommandation de l’Afnor de ne pas dépasser, dans le cas d’un bureau collectif, 5 personnes correspondant à un groupe de travail homogène (objectifs et commandements communs, type de tâches proches, stabilité du groupe, par exemple) était bien respectée.
Certaines informations non communiquées auraient été nécessaires aux représentants du personnel afin d’alimenter les échanges :
– le cahier des charges imposé par l’administration et/ou les Domaines,
– la surface des bureaux, le nombre d’agents en bureaux individuels et en bureaux partagés, le nombre de m² par agent, l’attribution ou non d’un bureau attitré par agent,
– les demandes des représentants du personnel dans le cadre de la consultation sur le projet immobilier et les réponses apportées par l’administration.
Le sujet Immobilier figurant dans les priorités définies dans la feuille de route 2023-2026 de la FSSCT des DDI, FO aura l’occasion de revendiquer une information la plus large possible et surtout, une prise en compte des demandes des agents et des revendications de leurs représentants.
La crise sanitaire liée au COVID-19 a contribué à développer le recours au télétravail des agents de la fonction publique et des salariés du secteur privé. Si, comme le montre un rapport sur la Fonction publique, cette pratique a légèrement baissé entre 2021 et 2022, le télétravail n’est désormais – selon l’accord de référence dans la fonction publique – plus imposé mais repose sur le volontariat des agents, qui sont nombreux à y voir un gain de temps en déplacements, etc.
L’enquête réalisée par FO TEFP en 2021 sur le télétravail auprès des agents des (ex) DIRECCTE et en administration centrale a fait ressortir que la majorité des agents est favorable au télétravail. Nous soulignions dans les conclusions de cette enquête que sa massification ne devait pas être utilisée par l’Etat employeur comme un moyen de dégrader les conditions de travail des agents quand ils travaillent en présentiel (bureaux notamment).
Nous rappelions par ailleurs que le télétravail ne saurait être imposé aux agents de manière directe ou indirecte.
Force est néanmoins de constater que la moindre occupation simultanée des bureaux par les agents est l’un des arguments utilisé par l’administration pour les « densifier » et remettre en cause les bureaux individuels pour les agents non encadrants, et parfois même la notion même de bureau attitré à un agent.
Ainsi, nous apprenions que dans une DDETS d’Ile de France, un projet de réorganisation immobilière ne comptabilise les agents de contrôle de l’inspection du travail qu’à hauteur de 20% de présentiel en Equivalent Temps Plein.
Ces profonds changements dans l’organisation du travail voulus par l’administration auraient dû faire l’objet d’une étude d’impact, de tests et d’un arbitrage sur la base non seulement des économies réalisées à court terme, mais également du coût humain et social à plus long terme. Avec les informations dont nous disposons, nous constatons que cela ne semble pas avoir été le cas. Au vu des premières opérations, c’est plutôt l’expérimentation au fil de l’eau qui semble érigée en valeur cardinale dans la gestion de ces projets.
En matière d’information et de consultation des représentants du personnel, le flou dans la répartition des compétences entre FSSCT des ministères de rattachement des agents (travail, cohésion sociale, intérieur, transition écologique, etc.), FSSCT des services déconcentrés et des administrations centrales et FSSCT des DDI ne facilite pas les choses.
Certains arguments incitant à la prudence dans la gestion de ces projets menés parfois à la hussarde nécessiteraient pourtant d’être entendus par l’administration. Pour n’en citer que quelques-uns :
– Les inconvénients du travail en open space ont été décrits par de nombreux ergonomes et spécialistes des organisations : difficultés de concentration en raison du bruit et des circulations, absence de confidentialité lors d’échanges avec les usagers, risque sanitaire accru en cas de pandémie, espaces de rangement limités, etc.
– Le travail effectué par les agents des DDETS et des DREETS a une forte dimension collective, qui nécessite de fréquents échanges et régulations, facilités par une proximité sur un lieu de travail unique.
– Les organisations peuvent être « apprenantes » grâce à une multitude d’échanges informels sur le lieu de travail avec des collègues au cours de la journée. C’est d’ailleurs la raison qui est invoquée pour refuser les demandes de télétravail aux nouveaux arrivés.
– Les agents des DDETS et des DREETS sont fréquemment exposés dans l’exercice de leurs missions à des situations de tension, liées à la situation de l’usager (missions sociales) ou au contexte (contrôle). La possibilité d’échanger rapidement après un échange tendu avec un usager, ou parfois une agression verbale ou physique, permet de prendre une distance avec l’incident et de le relativiser. Si les conditions de travail dans les bureaux réorganisés sont mauvaises, les agents peuvent privilégier le télétravail qui a pour corollaire un plus grand isolement.
– L’activité de rédaction de procédures (procès-verbaux, signalements, etc.) ou de rapports nécessite une activité continue de rédaction, pendant plusieurs jours d’affilée, dans des conditions propices (calme, etc.) qui, pour certains agents, ne sont pas remplies à leur domicile.
Le décret du 20 novembre 2020 relatif aux comités sociaux d’administration et aux FSSCT dans les administrations de l’Etat prévoit la consultation des instances de représentation du personnel en cas de projets d’aménagement importants modifiant les conditions de santé et de sécurité des agents. Il apparait urgent, avant de continuer les réorganisations visant à densifier les services essentiellement pour des raisons budgétaires, de :
-donner aux représentants du personnel des DDI l’information la plus ample sur les réorganisations ayant déjà eu lieu,
-suspendre les nouveaux projets de réorganisation à la réalisation d’un bilan par les agents en termes de conditions de travail et risques psycho-sociaux de ces réorganisations, réalisé paritairement par l’administration et les organisations syndicales,
-engager le plus en amont possible une concertation la plus large possible sur les projets de réorganisation avec les représentants du personnel en services déconcentrés et en administration centrale, en apportant une réponse motivée à chacune de demandes qu’ils formulent.