En mémoire de nos collègues assassinés
Plus jamais ça !
En 2004, Sylvie Trémouille, Contrôleuse du travail et Daniel Buffière, Inspecteur à la MSA étaient assassinés par un exploitant agricole à Saussignac en Dordogne. Ce terrible évènement constitua un séisme pour les agents et a profondément marqué l’histoire de nos services. Un rassemblement est organisé par l’intersyndicale travail-emploi CFDT-CGT-CNT-FSU-FO-SUD, ainsi qu’une intersyndicale de la MSA à Paris le 10 septembre. En ce jour de rentrée scolaire, 20 ans jour pour jour après les faits, un rassemblement était organisé à Périgueux en mémoire de nos collègues par les organisations syndicales de la DDETSPP de Dordogne. Plus de 100 agents ont répondu à l’appel, notamment de Gironde, de Charente, de Haute-Vienne, de Lot-et-Garonne, ainsi que de la Somme et de l’Ile-de-France.
Ont pris la parole les syndicats de la DDETSPP de Dordogne suivi de l’Union départementale CGT, du syndicat national FO TEFP, ainsi que le SYNTEF CFDT et SUD TAS.
Nous vous transmettons la déclaration commune des syndicats FO et CGT de la DDETSPP de Dordogne.
Chère et cher collègue,
Il y a vingt ans, jour pour jour, le deux septembre 2004, une contrôleuse du travail, Sylvie TREMOUILLE, et un contrôleur de la mutualité sociale agricole (MSA), Daniel BUFFIERE, effectuaient des contrôles dans le sud Bergeracois.
Dans un après-midi de fin d’été, les deux agents arpentent le terrain pour effectuer des contrôles relatifs à l’identité des ramasseurs de prunes. Leur contrôle est tout ce qu’il y a d’anodin pour les deux agents, à savoir contrôler les identités des travailleurs pour ensuite vérifier si ces derniers sont bien déclarés auprès des organismes sociaux. C’est une obligation qui permet aux travailleurs de cotiser aux organismes sociaux, leur produisant des droits sociaux notamment en matière de retraite mais pas que, mais également mettant sur le même pied d’égalité tous les employeurs qui ont obligation de cotiser également. Mais ce type de contrôle vise également à s’informer de manière générale des conditions de travail notamment sur le respect de la rémunération, de la durée du travail et que l’hébergement ne soit pas indigne.
Ce type de contrôle, somme toute d’une banalité la plus totale, va se transformer en un drame humain dont nous connaissons aujourd’hui encore la déferlante des ondes de choc dans les services de l’inspection du travail et de la mutualité sociale agricole, et au-delà dans le souvenir de biens d’agents publics, mais également dans l’ensemble de la population. Les deux agents, rencontrant l’exploitant agricole, commencent à questionner ce dernier sur la présence de trois salariés sur onze relevant d’une prestation de service qui pourrait confiner à un éventuel prêt de main d’œuvre illicite. D’abord calme, l’exploitant agricole s’emporte rapidement, puis s’isole dans une grange de son exploitation au prétexte d’aller chercher des documents. Au bout de quelques minutes, les deux agents qui s’enquièrent de son absence, partent le rejoindre. Ce dernier les abats au fusil.
Un simple contrôle qui se transformera en cauchemar, laissant deux familles endeuillées, des milliers d’agents abasourdis et en colère.
Abasourdis car ce crime était une première dans nos services, fondés en 1892, c’était la première fois que le sang coulait jusqu’ la mort.
En colère également, car ce drame fut au départ quelque peu banalisé par les pouvoirs publics notamment par le ministre d’alors de l’agriculture, dont certaines communications mettaient sur le même plan un double assassinat avec les difficultés du monde agricole. Au fil des jours, la communication gouvernementale se durcira aussi mollement que possible, remplaçant la violence de l’acte, à savoir un homicide, par des formules bien pensantes de circonstances dramatiques et de tragiques circonstances.
Mais le sens des mots ne peut effacer l’essence des maux.
La communication gouvernementale est une chose. Il se trouvera ici et là des avocats de circonstance du double meurtrier qui se transformeront en procureurs anti service public et anti contrôle. Au-delà d’un fort soutien populaire aux deux victimes, soutien teinté d’effroi et d’indignation, les organisations syndicales, notamment celles du ministère du travail et de la MSA, se trouvèrent bien seules pour condamner ce crime. Le jugement du 9 mars 2007 conclura à une condamnation à 30 ans de prison pour meurtre. Ici et là, l’information fut relayée, et on tenta d’effacer le crime des mémoires pour qu’il ne devienne qu’un vague souvenir.
Mais vingt ans après, vous êtes là, nous sommes là, rassemblés à Périgueux pour commémorer le souvenir du double assassinat de SYLVIE et DANIEL. Nous avons lu que cette commémoration pouvait être qualifiée d’anniversaire par des pouvoirs publics. Apparemment, nous n’abordons pas cette journée ni avec les mêmes mots, ni avec le même sens à donner à la signification des 20 ans du double crime de Saussignac. En nous rappelant les noms et visages de nos deux collègues, nous pensons à leurs proches et nous leur apportons nos condoléances les plus sincères de nouveau.
Honorer la mémoire de nos deux collègues, c’est clamer que non, plus jamais, aucun salarié public ne doit être assassiné pour avoir effectué son travail. Et au-delà, qu’aucun travailleur ne doit mourir au travail ou à l’occasion du travail.
Honorer la mémoire de nos deux collègues, c’est exiger que des mesures concrètes soient prises par les pouvoirs publics pour assurer la santé et la sécurité de tous les agents publics.
Honorer la mémoire de nos deux collègues, c’est de condamner de nouveau les violences auxquels les agents publics notamment de l’inspection du travail sont confrontés encore et encore : ici et là, des actes violents contre les agents de contrôle telles qu’en Corse il y a quelques années. Mais également en Dordogne, puisqu’un agent a été menacé de mort il y a quelques années, plainte déposée classée sans suite. Et que trois agents de contrôle dont deux femmes ont été, en juillet 2022, à deux doigts d’être violemment passés à tabac sur fond de violence verbale et de tentative d’intimidation confinant à de nombreux délits dont celui du délit d’obstacle sur un chantier du bâtiment dans le Riberacois, plainte déposée classée sans suite, puis dossier rouvert dont nous sommes sans nouvelles. Mais également les violences à l’encontre de deux agents du service protection animale de la DDETSPP Dordogne en octobre 2023, dont les circonstances n’ont jamais été explicitées ni même officiellement dénoncées par les pouvoirs publics. Et dernièrement en 2024, la pendaison d’un sanglier devant les locaux de la DDETSPP du Lot et Garonne lors des manifestations d’agriculteurs en début d’année, qui n’a fait l’objet que d’un obscur tweet de la Ministre fantôme du travail.
Alors oui, nous continuerons à honorer la mémoire de nos deux collègues. Nous les honorerons en continuant à assurer les missions de l’inspection du travail. Nous honorerons leur mémoire en exigeant des moyens humains, matériels et juridiques à la hauteur des enjeux, alors que les effectifs de l’inspection du travail restent faméliques en inspection mais aussi au service renseignements, et généralement dans de nombreux ministères à vocation dite sociale. L’inspection du travail, portée avant tout par 1600 agents de contrôle – la première ligne de front – pour 2000 sections soit 400 vacantes après la suppression d’environ 250 sections depuis sept ans, mérite que l’état donne les moyens pour ses services publics.
Honorer la mémoire de nos deux collègues, c’est exiger des recrutements massifs d’agents de contrôle pour faire respecter le code du travail et les droits des salariés et non de licencier comme c’est actuellement le cas 4 inspecteurs du travail stagiaires, pour des raisons ouvertement discriminatoires.
C’est exiger de passer d’un agent de contrôle pour 1000 entreprises et 10000 salariés en moyenne actuellement (bien que cette moyenne soit dépassée ici et là et même de manière générale) pour passer à un agent de contrôle pour 5000 salariés. C’est d’obtenir une réelle protection physique et mentale des agents publics, un soutien organisationnel et un appui juridique et humain sans faille de la part des pouvoirs publics dans les missions qui sont assumées au quotidien, et non d’avoir en échange une stratégie de communication gouvernementale Jupitérienne 3.0.
C’est d’obtenir que le droit s’applique au service des travailleurs. Et que les agents soient également reconnus dans leur travail, par des actes de soutiens concrets et de valorisation de leur action, qui passe aussi par la rémunération, un inspecteur du travail commençant sa carrière à 150 euros… Au-dessus de SMIC !
C’est avec votre accord explicite que nous porterons ce mandat à Paris le 10 septembre 2024. Et si les pouvoirs publics s’entêtent, (c’est la question de la grève sera clairement posée !) nous répondrons par la grève !
NOUS NE VOULONS PAS D’UN DEUXIÈME « SAUSSIGNAC »
RASSEMBLONS- NOUS LE 10 SEPTEMBRE DEVANT LE MINISTÈRE DU TRAVAIL A 11 HEURES !