Déclaration
préalable FO TEFP
Madame la Ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles,
Madame la Ministre chargée du Travail et de l’Emploi,
Mesdames et Messieurs,
Nous ouvrons ce CSA ministériel avec une profonde inquiétude quant à l’avenir de nos services et des agents qui les font vivre. La présentation de la loi de finances pour 2025, mauvaise et pire que celle de 2024 qui était déjà catastrophique, finit de mettre vos services au quasi-arrêt définitif.
Un budget 2025 d’austérité qui asphyxie nos missions
Après une année 2024 marquée par des coupes budgétaires massives, le projet de loi de finances 2025 aggrave encore la situation. Nous assistons à une baisse des crédits alloués aux programmes 102 et 103, pourtant centraux pour l’accès à l’emploi et l’accompagnement des mutations économiques. Ces diminutions, respectivement de 4,43 % et 13,9 %, sont particulièrement préoccupantes à l’heure où la précarité de l’emploi s’accentue et où les plans sociaux se multiplient.
De plus, alors que le programme 155, dédié au soutien des ministères sociaux, semble connaître une augmentation en raison de transferts budgétaires, la réalité est tout autre : la suppression de 90 ETP sur l’ancien périmètre du BOP 155 montre une volonté de poursuivre la casse des effectifs. Depuis 2004, vos services ont perdu désormais plus d’un tiers de leurs effectifs, mettant vos agents dans l’incapacité de répondre correctement aux usagers. Alors même que le monde du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle s’est grandement modifié et complexifié sur cette même période, l’adéquation moyens-missions a rendu intenable la situation de vos services.
Le budget de votre ministère représente moins de 5 % du budget de la nation, alors que l’emploi, les conditions de travail et la formation professionnelle sont des préoccupations majeures de la société.
La précarité s’est répandue dans vos services, environ 15 % des effectifs sont recrutés sous forme de CDD permanents et structurels, pour lesquels la seule réponse apportée est l’horizon indépassable de 6 ans maximum de contrat avant le retour à la case départ. C’est le pire exemple qu’un ministère dit de l’emploi et du travail pouvait donner en terme de lutte contre la précarité.
Ici et là, des concours existent encore au compte-goutte pour que l’hémorragie ne finisse pas d’asphyxier les services mais les postes offerts ne répondent pas du tout aux besoins.
Un seul exemple parlant parmi tant d’autres : les ratios agent de contrôle / effectifs salariés sont arrêtés à 1 pour 10 000. C’est comme si un seul agent avait à s’occuper de tous les habitants d’une ville comme ville d’Avray (hauts de Seine) ou Issoudin, sous-préfecture (Indre). Mais cet exemple est empiré par une moyenne nationale des intérims structurels et permanents. La réalité tourne autour de 13 000 salariés par agent, telle la population de la ville de Morangis (Essonne) ou de Tulle, préfecture de Corrèze.
Vous sentiriez-vous capable d’affronter une telle situation de pénurie de moyens humains ? Vos agents l’affrontent avec courage, abnégation et dévouement, tous les jours qu’ils soient affectés en administration centrale, en services déconcentrés, à l’emploi, au travail, à la formation professionnelle.
Ces agents sont confrontés à une montée en puissance de voies de fait sur le terrain. Ici et là, un agent se fait insulter. De plus en plus d’administrés s’en prennent à celles et ceux qui ne leurs apportent pas la réponse souhaitée. Une partie du monde agricole profère des menaces, encore très récemment, d’une violence inouïe sur les réseaux sociaux telles que : « Le préfet a utilisé des méthodes dignes de celles de Vichy, tu dénonces et tu seras pas emmerdé…le préfet a eu un comportement de facho » « Si la DDETSPP ne change pas son fusil d’épaule en étant agréable avec les agriculteurs, ça va très, très, très mal se passer. Ça ne sera pas négociable. Ça va souffrir en face comme jamais ça n’a souffert. » 20 ans après Saussignac, au mois de novembre 2024 : deux dépouilles de sangliers accrochées sur les pics de la cité administrative de Périgueux… Comptez-vous dénoncer ces actes, prendre des mesures énergiques pour que les agents travaillent en sécurité ? Ou devons-nous nous résoudre à « bunkériser » notre activité dans nos bureaux, pour toutes nos missions ?
Les vents de l’Histoire sont depuis trop longtemps contraires au ministère du Travail, la géographie physique de vos services s’amenuise à vue d’œil. La philosophie affichée dans les grands discours du tout va bien et tout continue comme si de rien n’était ne suffira pas à sauver les missions, il faut mettre en œuvre une mathématique budgétaire positive, en moyens humains et matériels.
Comment comptez-vous répondre de manière générale à vos agents, assommés par les grands coups d’austérité budgétaire, démunis et en plein désarroi face à la détresse sociale des salariés de ce pays ? Faut-il qu’ils ignorent tout ou partie des conditions de travail, d’emploi et de la formation professionnelle des structures économiques du pays et de celles et ceux qui les font fonctionner ? Doit-on désormais afficher que des pans entiers du territoire sont des zones de non-droit, par manque de moyens humains et financiers ?
Vont-ils subir une énième revue des missions et donc des organisations en 2025, ayant déjà enduré de nombreuses réformes organisationnelles sur fond de démantèlements institutionnels depuis presque quinze ans ?
Encore faudrait-il qu’il existe encore un ministère du travail de plein exercice dans les faits, et permettez-nous d’en douter. A ce titre, depuis la DDIsation à marche forcée de 2021 (DDIsation depuis 2009 qui s’est traduite par la suppression d’aussi un tiers de ses effectifs), la moitié de vos effectifs actuels est passée sous le régime « ministère de l’intérieur » qui gouverne et dicte ses exigences sur le terrain.
Enfin, alors que le gouvernement prétend préserver la masse salariale, la réalité est tout autre. L’absence de revalorisation du point d’indice, couplée à l’austérité imposée aux enveloppes catégorielles et aux promotions, ne fait qu’aggraver le décrochage du pouvoir d’achat des agents publics. Alors que vos agents travaillent encore plus qu’avant, qu’ils sont moins nombreux et qu’ils ont vu leur salaire décrocher de 30 % depuis 2000 comparé à l’inflation, qu’une partie croissante d’entre eux se paupérise à vue d’œil à l’image de la société qui nous entoure, aucune GPEC digne de ce nom n’est mise en œuvre dans votre ministère malgré les engagements de l’administration tels qu’un grand plan de transformation de C en B, de B en A, d’un plan de résorption de la précarité concernant les contractuels, d’un d’avenir pour le « stock résiduel » du corps des contrôleurs du travail ( il en reste 300 !).
C’est ce que nous attendons de vous, une réponse sur ces sujets.
Vous voulez rendre attractif votre ministère. Cela commence par la révision des grilles et des déroulés de carrière de tous les corps, avec un focus particulier sur le corps de l’inspection du travail, sanctionné dans sa rémunération globale, indiciaire et indemnitaire.
Difficile pour les ambassadeurs de ce corps auprès des étudiants de leur donner d’excellentes raisons de passer le concours !
Au passage, nous vous alertons de nouveaux sur la situation des 7 ITS non titularisés fin 2024, dont une grande partie est en situation de handicap ! Nous sommes toujours en attente de vos arbitrages suite à notre intervention.
Nous exigeons donc :
Un message clair : il faut renforcer, et non affaiblir, nos services publics
Nous ne pouvons que constater l’écart grandissant entre les discours gouvernementaux et la réalité des décisions budgétaires. À l’heure où l’on parle de “plein emploi”, il est incohérent de réduire les moyens des services qui accompagnent les demandeurs d’emploi et les entreprises. À l’heure où les inégalités explosent, il est irresponsable de fragiliser les garanties statutaires et les perspectives de carrière des agents publics.
Nous réaffirmons nos revendications :
Nous attendons aujourd’hui des réponses concrètes et des engagements forts. Les agents du ministère du Travail ne veulent plus être les victimes d’une austérité aveugle qui détruit nos services et dégrade nos conditions de travail. Il est temps de sortir de cette logique de coupes budgétaires et de redonner aux services publics du travail et de l’emploi les moyens d’accomplir leurs missions !
Les réponses des deux Ministres aux interpellations des organisations syndicales et présentation de la loi de finances initiale 2025
Comme il fallait s’y attendre, c’est un budget plein d’austérité qui nous est présenté :
Selon Mesdames les ministres, l’état doit faire un effort de redressement de ses finances, avec un objectif de revenir à la règle des 3 % en 2029.
Dans le détail, le budget du ministère du travail est en baisse, ce n’est pas un scoop ! 17% du budget disparaissent comparés à 2024. Les programmes 102 et 103 sont fortement amputés, le BOP 111 maintenu. Quant au BOP 155 « nouveau » (fusion des BOP 124 et 155), cela se traduit par 90 ETP en moins, exclusivement sur le périmètre ex BOP 155. 148 postes d’adjoints administratifs sont supprimés, et donc quelques recrutements dans d’autres corps sont opérés. La masse salariale augmente de 2 %, mais les crédits de fonctionnement sont en baisse. L’augmentation de la masse salariale va surtout servir à régler les pensions, quant aux rémunérations, rien de neuf ! Le point d’indice reste bloqué et si 1,5 millions d’euros en plus sont budgétés pour les primes, au regard des 12 700 agents du BOP 155 nouveau, c’est une paille. Seuls quelques corps au passage seront bénéficiaires de cette enveloppe, sans que nous sachions vraiment lesquels à ce stade. On ne peut qu’être d’accord avec les deux Ministres quand elles indiquent qu’elles sont conscientes que « ce ministère a bien contribué aux efforts ». En clair, l’austérité a bien raboté les services et les missions !
Si les Ministres indiquent qu’elles sont conscientes du travail effectué par les agents, FO TEFP indique que ce budget n’était pas de nature à nous rassurer.
S’il est déclaré également que le budget de la défense doit passer de 2,5 % à 5 % du PIB, cela implique des choix budgétaires à faire rapidement. Bien sûr, à budget constant de l’état, cela va se traduire par des crans en moins sur la ceinture de certains ministères, dont celui du travail. Quand on parle d’attractivité, difficile de vendre le ministère à d’éventuels postulants… Et comment dès lors faire fonctionner les services sous assistance respiratoire ?
Quand les Ministres indiquent que les services doivent lutter contre la précarité, elles déclarent que pour leurs services, le chantier des contractuels doit être ouvert, ainsi que celui des temps partiels subis. Cependant, aucun objectif n’est fixé en terme d’avancée. Donc cela reste au stade des vœux pieux.
La question des inégalités salariales semble être un sujet important pour les deux Ministres, elles se sont prononcées pour un bilan réel à ce sujet. Néanmoins, rien ne nous sera indiqué pour un éventuel traitement de la situation.
Concernant les services de l’inspection du travail, les Ministres déclarent être conscientes des agressions, notamment dans le secteur agricole. Les missions peuvent être brutales pour celles et ceux qui les exercent (physiquement et psychologiquement). Un bilan des incidents de contrôle sera prochainement produit. Quant à certains propos tenus contre les agents et les structures, ils sont « inacceptables ». Selon les Ministres « l’inspection du travail n’est pas là pour embêter les gens mais pour faire appliquer les règles. Elle est là pour jouer son rôle de régulation, d’amélioration des conditions de travail, et assurer la concurrence loyale entre entreprises ».
Elle est même selon Madame la Ministre Catherine VAUTRIN « partenaire de l’entreprise » !
En 15 ans, 400 sections d’inspection ont disparu, et il y a 1845 agents de contrôle en poste pour 2000 sections à ce jour. Difficile de faire beaucoup avec peu.
Concernant les 7 ITS de la promotion 2024 (question portée par notre syndicat) pour lesquels FO TEFP a indiqué que certainement d’autres solutions existaient. Les Ministres estiment que comme désormais les contentieux administratifs sont engagés, il faut que les tribunaux se prononcent. FO TEFP estime que si deux agents ont été déboutés à ce stade, c’est uniquement sur le caractère d’urgence de leur demande, ce qu’il faut souligner. Ce n’est pas sur le fond. Rien ne sera proposé à ce CSA pour tenter de trouver une solution « humaine » à leurs situations (dont 5 sont en situation de handicap).
Il nous a été indiqué que désormais les assistantes et assistants de contrôle avaient fait l’objet d’un plan de transformation d’emploi de C en B…. FO TEFP a réfuté l’argument, de nombreux agents sont encore catégorie C, quand ils ne sont pas contractuels….
Contrôleurs du travail : il en reste 300 sans aucune proposition de résolution définitive par un passage dans un corps de A.
Notre organisation syndicale a profité de l’occasion pour rappeler la faiblesse des ratios pro/pro.
Congé menstruel : les deux Ministres renvoient la balle à la DGAFP pour un cadre réglementaire interministériel. Cependant, elles s’engagent à en parler au Ministre de la fonction publique cette semaine. Dont acte.
En conclusion, la loi de finances 2025 est pire que celle de 2024. FO TEFP a déclaré que l’économie de guerre était déjà une réalité, parce qu’une guerre budgétaire était déclarée aux services publics et à ses agents depuis de trop- nombreuses années !
Les revendications demeurent !
Lignes directrices de gestion promotions 2025-2028 ou un tour de passe-passe sur fond de règles anti-statutaires (pour certains)
Ces LDG sont produites pour les 21 corps de fonctionnaires qui composent le BOP 155 nouveau. Elles établissent les règles qui régissent le processus de promotion pour les 4 ans à venir.
FO TEFP a d’abord indiqué que ces LDG devaient être abrogées pour revenir au plein exercice des compétences des commissions administratives paritaires qui limitaient l’opacité du processus de promotion. Par ailleurs, notre organisation syndicale a dénoncé les trop faibles ratios de promotion pour tous les corps.
Pour l’ensemble des corps hormis celui de l’inspection du travail, ce projet de LDG 2025-2028 ne modifie pas les règles appliquées antérieurement.
Le gros point noir quant au sort réservé au corps des inspecteurs du travail demeure (cf notre compte-rendu du CSA Travail-Emploi du 04 février 2025) :
Ce projet avait été discuté en février. Une nouvelle version nous a été présentée ce jour, supprimant les critères du vivier 2 pour les agents du premier grade du corps de l’inspection du travail vers le deuxième grade (directeur adjoint inspectant).
FO TEFP rappelle que la règle doit rester le statut général et les statuts particuliers, non des règles de gestion inventées par l’administration ! Non aux 20 ans de service public et aux 15 ans en tant qu’inspecteur du travail pour être promu DA inspectant !
La suppression de la mention relative au corps de l’inspection du travail dans ces LDG aurait pu être une bonne nouvelle… Hé non ! L’administration craignant des contentieux administratifs, elle a décidé de retirer ces règles de ce projet des LDG pour… les rappeler dans la note de gestion des règles de promotion, publiée chaque année. Ou comment revenir par la fenêtre, même si ce qu’on appelle le vivier 2 est acté dans le temps !
Tout au plus, l‘administration est partisane de revoir le statut particulier du corps de l’inspection du travail pour éventuellement fixer de nouveaux critères (FO TEFP est contre fixer des durées plus importantes pour être promu(e)), sans que cela n’enchante personne du côté syndical (semble t’il…). Enfin, elle indique être prête à revoir les critères d’ancienneté pour être proposable en tant que DA inspectant, à savoir la prise en compte de l’ancienneté des contrôleurs du travail pour rentrer dans les critères…(15 ans d’inspection…et quid pour les collègues qui ont passé de nombreuses années hors section, qui ont acquis de l’expérience managériale, de l’expertise, et ces années ne seraient pas prises en considération ?)
Si certains semblent s’accommoder de la proposition, FO TEFP rappelle que le statut est clair : 5ème échelon, 5 ans d’ancienneté dans le corps. C’est mieux que les règles inventées qui desservent les agents (le statut prévoit qu’un agent peut être promu au deuxième grade au bout de 6 ans quand il a été recruté directement dans ce corps, pas 15 ans !).
Au final tous les syndicats ont voté CONTRE les LDG 2025-2028.
Vos représentants FO TEFP à ce CSA
Laurent LEFRANCOIS – Pierre LAMAISON (expert)